Au début il y a des flashs

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Note d'écriture

Rémy Bouchinet

Au début il y a des flashs. Mes textes se construisent toujours à partir de « flashs », de « visions ». Au début il y a des vignes en automne, un vieil homme qui avale de la soupe et un rouge à lèvre. Au début il y a la volonté d'écrire un monologue, une longue parole unique. Je veux explorer ce que je ne connais pas. Une dramaturgie épurée, un corps, une voix. Radicalement différent de mon précédent texte, Farce, qui était une tragédie contemporaine construite sur les fondations des classiques, avec deux comédiens. Au début il y a un mot : soupeur. Et la décharge que cela me fait quand j'apprends la signification de ce mot, l'existence de ce mot. Puis très vite, il y a le visage d'un acteur.

Dédale d'un soupeur est un texte qui explore la solitude, la folie qu’elle peut engendrer, ainsi que la déviance sexuelle. C'est un homme qui déambule à travers ce qu'il pense être ses souvenirs, et qui est envahi, à mesure qu'il parle, par le doute. Ses seuls repères sont les saisons, mais même ces repères s’effilochent jusqu'à ce qu'il ne soit plus certain de rien. Cet homme qui nous parle est au bord de l’écroulement, accablé d’une surcharge mémorielle tant il semble avoir traversé de paysages.

À mesure que j'avance dans l'écriture dramatique, une idée s'affirme : celle que je souhaite écrire avec et pour l’acteur.ice. Je veux que ma langue épouse le corps de l’acteur•ice, qu'ils ne fassent plus qu'un, que l’acteur.ice s’approprie ma langue jusqu'à ce qu'elle me soit étrangère. Au début du travail, quand j’ai commencé à rêver autour de cette pièce et que j’en ai parlé à Romain, je lui ai dit : « J’aimerais que l’on mette le point final ensemble, j’aimerais que ce texte s’achève par ta langue, tes mots. ». Il s’agit d’une mort symbolique. La mort de l’auteur. La mort du texte. L’auteur n’est plus à la fin qu’un fantôme, simplement là pour que l’acteur.ice danse avec.